Remplacement des F-16 : Fin de la polémique?

Le ministre de la Défense Steven Vandeput (N-VA) a annoncé vendredi la réintégration des quatre hauts gradés de l'armée de l'air qui avaient été écartés en mars, soupçonnés d'avoir retenu des informations importantes sur le programme de remplacement en cours des avions F-16. Il a également retiré ses propos du mois dernier qui indiquaient "une erreur d'appréciation majeure" de la Défense. Ses déclarations ont été faites dans le cadre de son audition au Parlement, pour débattre des premières conclusions des enquêtes demandées après la polémique qui avait mis le ministre en grande difficulté le mois dernier.

Des documents du fabricant aéronautique américain Lockheed Martin ayant fuité dans la presse avaient révélé que la durée de vie des F-16 de l'armée de l'air belge pourrait être sensiblement prolongée. Une information embarrassante en pleine procédure de remplacement des avions.

"Je constate aujourd'hui qu'aucune faute n'a été commise", a affirmé Steven Vandeput en commission de la Défense de la Chambre. Celle-ci avait été convoquée en urgence pour prendre connaissance de résumés sommaires de deux audits commandés fin mars après des fuites dans la presse, qui ont provoqué une tempête politico-médiatique encore perceptible au parlement, où la séance a débuté dans une ambiance très tendue.

"Je retire mes propos sur une erreur d'appréciation majeure" de la part des gestionnaires de la flotte des F-16, formulés le 20 mars sur la base des éléments qui étaient alors en ma possession, a le ministre N-VA. Il a aussi assuré qu'"aucune manipulation" n'avait été commise au sein de l'état-major, que personne n'avait commis de "faute professionnelle manifeste" à propos d'une rétention d'informations sur une possible prolongation de vie de ces avions au-delà des 8.000 heures garanties par Lockheed Martin.

Le ministre a aussi souligné que les rebondissements de ces dernières semaines n'auraient "pas d'impact" sur le dossier de remplacement des F-16. Il s'appuyait sur l'enquête interne menée au sein du ministère de la Défense et sur l'audit externe commandé au Service fédéral d'audit interne, dont il dit avoir reçu les résultats mercredi midi.

Fin du congé des quatre officiers

Les quatre officiers qui s'étaient mis en congé - volontairement, sans être suspendus par le chef de la Défense (Chod), le général Marc Compernol, ni par le ministre - ont repris leurs fonctions, a confirmé vendredi M. Vandeput. "J'ai demandé à ces personnes qu'elles reprennent leur travail au plus vite", a-t-il expliqué, alors que certains députés réclamaient des "sanctions".

Les quatre officiers concernés sont le commandant de la composante Air, le général-major Frederik Vansina, un responsable de la Direction générale des Ressources matérielles de l'armée (DG-MR), le général-major Luc Roelandts, l'un de ses subordonnés chargé du matériel volant, le colonel Peter Letten, et le chef du programme de sélection d'un nouvel avion de combat (en jargon "Air Combat Capability Program", ACCaP), le colonel Harold Van Pee.

"Pas de raison de transmettre le rapport de Lockheed Martin"

Des mémos de l'avionneur Lockheed Martin datant d'avril 2017 et de février dernier évoquaient avec moult précautions la possibilité de prolonger la durée de vie des F-16, alors que le gouvernement a décidé de les remplacer par 34 avions de combat de nouvelle génération pour un montant de 3,6 milliards d'euros. Cette information n'était toutefois pas remontée jusqu'au Chod ni, a fortiori, jusqu'au ministre et au parlement.
L'audit externe souligne en substance que ces documents n'ont - à raison - pas été jugés pertinents et n'ont donc pas été distribués dans la chaîne hiérarchique, selon la cheffe du Service fédéral d'audit interne, Ann Schoubs.

L'enquête interne, menée par le chef de l'inspection générale des Forces armées, le lieutenant-général Henk Robberecht, conclut pour sa part qu'il s'agissait d'une simulation inutile ne contenant pas de nouvel élément et qu'il n'y avait donc aucune raison d'en tenir compte.

M. Vandeput a aussi souligné qu'une prolongation de la vie des F-16 sans coûts supplémentaires n'était pas possible, en citant des documents de l'armée américaine et de Lockheed Martin.

Nécessité de remplacer les avions de chasse

Selon le ministre et le chef de la DG-MR, le lieutenant-général Rudy Debaene, citant un autre mémo, rédigé par le System Program Office (SPO) de l'US Air Force, qui suit le programme F-16, la mesure de la fatigue de la cellule des F-16 belges exige que tous les appareils soient équipés d'un enregistreur de vol avancé, l'IAT ("Individual Aircraft Tracking") répondant à des normes strictes.

La Défense devrait disposer de 90% des données de vol sur l'ensemble de la durée de vie des avions. Or la composante Air ne dispose depuis 2006 seulement - soit vingt ans après l'entrée en service des avions les plus récents - que de seize de ces instruments de mesure. Selon le général Debaene, seules 20% des données de vol ont été enregistrées au total, et pas avant 2006, ce qui crée un "trou" dans l'histoire des avions.

Le mémo de l'US Air Force souligne aussi que la prolongation des F-16 au-delà des 8.000 heures de vol réelles requiert un "investissement significatif" et du temps, sans améliorer les chances de survie de ces avions - et de leur pilote - dans un environnement opérationnel avec un adversaire disposant de moyens (anti-aériens) modernes.

Rappel des faits

La Belgique avait lancé en mars 2017 une procédure d'achat de 34 avions de combat pour remplacer sa flotte vieillissante d'une cinquantaine de F-16. Le coût de cet achat est estimé à 3,6 milliards d'euros mais la dépense publique totale sur la durée du programme, soit 40 ans, été évaluée à 15 milliards. Il s'agit d'un des plus gros marchés publics jamais lancés par la Belgique.

Les trois candidats pour remplacer les F-16 sont l'avion F-35 de Lockheed Martin - souvent présenté comme le favori du ministre belge -, le Typhoon du consortium européen Eurofighter et le Rafale du français Dassault. Le choix du titulaire du marché est attendu à l'été 2018.

Deux enquêtes avaient été demandées le mois dernier après la révélation des mémos de Lockheed Martin: l'une au sein du ministère de la Défense, à laquelle est venu s'ajouter un audit par un service fédéral dédié. Les débats sur leurs conclusions doivent se poursuivre la semaine prochaine au Parlement.

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