Art, sciences et technologie se rencontrent au Bozar Lab

Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles s’est doté le 14 septembre d’un nouveau département : le Laboratoire. Ce nouvel espace aménagé dans les anciens locaux des archives du Bozar est dédié à l’art, aux nouveaux médias, à la science et la technologie. Il se veut un lieu de rencontre entre artistes, chercheurs et public, pour des réflexions critiques et des projets innovateurs alliant diverses disciplines à l’ère du numérique. L’inauguration du Lab coïncidait avec l’ouverture de la 6e édition de l’Electronic Arts Festival, qui propose (jusqu’au 30 septembre) avant tout de la musique et quatre expositions. L’art vidéo venu d’Estonie - pays pionnier en matière de numérique en Europe - est ainsi mis à l’honneur dans l’enfilade de salles du Lab, avec l’exposition "The Archaeology of the Screen".

Attentif à l’évolution des courants et initiatives artistiques en Belgique, et dans le reste du monde, le Palais des Beaux-Arts a décidé de se doter d’un Laboratoire, un lieu de recherche sur les relations entre l’art, la société, les sciences et la technologie. Un espace de création (photo), de collaboration entre artistes et scientifiques, et d’expérimentation. Bozar suit ainsi l’exemple de grandes institutions internationales, telles que le Victoria & Albert Museum de Londres, le Musée Pouchkine de Moscou et le Metropolitan Museum de New York.

Bozar Lab ambitionne de rassembler les diverses disciplines représentées en son sein (arts plastiques, musique, cinéma, théâtre, dance et littérature), tout en tissant des liens avec d’autres partenaires du monde artistique et culturel mais aussi avec des entreprises innovantes, des experts et des chercheurs en sciences et technologies.

Situé à côté de la magistrale Rotonde du Bozar - cet édifice dessiné par l’architecte Victor Horta et construit entre 1922 et 1929 en style Art déco -, le Lab abritait autrefois les archives de l’institution. Les différentes salles en enfilade ont été rénovées de façon sobre (murs blancs et sol de pierre grise), afin de retrouver autant que possible l’état original du lieu. Une autre grande salle (photo), nettement plus haute et agrémentée de baies vitrées partiellement colorées, est encore en cours de restauration. Elle permettra l’émergence de projets moins intimistes.

Avec son Laboratoire, le Bozar dispose maintenant d’un espace dédié à la recherche sur le lien entre l’art, la société et la technologie, où seront organisées des conférences, des expositions, des appels à projets ("open calls") ouverts aux entreprises, start-ups, artistes et chercheurs qui innovent. Ainsi, du 19 novembre au 3 décembre prochains, l’exposition "Generation Z" présentera le résultat des Gluon Steam Labs au cours desquels des jeunes de 14 à 18 ans, des artistes et des spécialistes de nouvelles technologies numériques chercheront des solutions aux défis des grandes villes, inspirés par Bruxelles.

Electronic Arts Festival : artistes féminines belges et robots

L’inauguration du Lab coïncide avec la 6e édition de l’Electronic Arts Festival au Bozar, un festival mêlant art, sciences et technologies, qui a acquis une notoriété internationale pour son caractère novateur. Il débutait le 14 septembre avec un symposium, et comprend un large volet musical, dont le concert final qui sera donné par le musicien et compositeur islandais Johann Johannsson, lauréat d’un Golden Globe et nominé aux Oscars et Grammys, notamment. Il présentera le 30 septembre une sélection de son album "Orphée" avec l’ensemble belge Echo Collective.

Le 28 septembre, l’ensemble belge de musique contemporaine Ictus présentera l’opéra vidéo "An Index of Metals" du compositeur italien Fausto Romitelli, influencé par le rock et l’électronique. "Sacred Horror in Design" du compositeur de musique électronique Ata ‘Sote’ Ebtekar, basé en Iran, sera présenté le 26 septembre, alors que Bozar accueillera le 29 septembre le musicien et compositeur australien Ben Frost avec son nouvel album, ainsi que le compositeur et remixeur allemand Pantha Du Prince, qui allie des éléments de techno, house, minimalisme et des enregistrements de terrains.

Quatre expositions accompagnent le volet musical - généralement mieux connu - du festival d’art électronique (BEAF).

La première présente les lauréats 2017 du festival d’innovation STARTS Prize - une initiative de la Commission européenne permettant de marier science, technologie et arts pour relever les défis sociaux, écologiques et économiques que l’Union doit affronter. Cette exposition fait découvrir, notamment, "I’m Humanity" de la chanteuse japonaise Etsuko Yakushimaru. Elle a composé une œuvre dont l’information musicale, convertie en information génétique, a été incorporée aux chromosomes d’algues bleues. Ou encore le Projet KOVR des créateurs néerlandais Schagen et Baauw, dont les vêtements de tissus métallifères protègent contre l’infosphère. Ou l’Algaerium Bioprinter destiné à la bio-industrie et permettant l’impression d’algues.

L’exposition Future Emerging Art and Technology (FEAT), installée juste au-dessus des locaux du Lab au Bozar, rassemble six œuvres d’art émanant de la recherche financée par l’Union européenne (Horizon 2020) sur les technologies émergentes pour résoudre des problèmes tels que le captage du carbone. Les artistes sont associés aux chercheurs pour développer des technologies moins conventionnelles. Les artistes Evelina Domnitch et Dmitry Gelfand (photo principale) réalisent ainsi des expériences basées sur l’apesanteur et la lumière, sous forme d’installations. Quant aux artistes du projet "boredomresearch", ils réfléchissent au rôle des émotions négatives dans la construction de nouvelles technologies comme la robotique. Ils présentent "Robots in Distress", où les machines ressemblent à de malheureux insectes (photo).

L’exposition Tendencies met à l’honneur six femmes artistes belges - Alex Verhaest, Esther Venrooy, Stéphanie Roland, Anne-Marie Maes, Claire Williams et Katia Lecomte Mirsky - qui ont travaillé sur la science et questionnent, autant qu’elles incorporent, les innovations technologiques. Elle est organisée en partenariat avec Nova XX, le Concours international dédié à l’innovation technologique, scientifique et artistique. Le court-métrage "Deception Island" de Stéphanie Roland multiplie les mediums (vidéo, sculpture, nouveaux médias) pour évoquer l’expédition polaire belge (1897-1899) initiée par Adrien de Gerlache et plus précisément les 13 mois où l’équipage est resté bloqué dans les glaces. La jeune artiste visuelle fait une poignante analyse psychologique de cet hivernage forcé.

Claire Williams propose "An Electromagnetic Walk", où des objets usuels sont reliés à un casque et un boîtier électronique et captent des ondes électromagnétiques. Katia Lecomte Mirsky propose l’installation interactive "Jardin Japonais Radioactif 3", répartie sur cinq vidéos (photo). Quant à l’artiste et chercheuse Anne-Marie Maes, elle propose une "Future Archeology Collection". Elle étudie le processus naturel de création de formes, développe des biotissus qui reflètent par exemple la pollution. On peut admirer au Bozar sa ruche organique rouge (photo dans le texte) qui, placée dans la ville, permet de mesurer le bien-être des abeilles qui l’habitent.

L’exemple estonien : l’Archéologie de l’écran

A l’occasion de sa présidence du Conseil de l’Union Européenne en 2017 et de son centenaire en 2018, l’Estonie - pays pionnier en matière de numérique en Europe - présente The Archeology of the Screen, un panel de vidéos artistiques numériques qui analyse les relations entre l’art et les nouveaux médias.

C’est la première exposition à pouvoir s’installer dans le nouveau Lab au Bozar (jusqu’au 12 novembre). Sa commissaire estonienne, Kadi Polli, nous indiquait être ravie de la façon dont les anciens locaux d’archives ont été rénovés pour accueillir des projets innovants. Chaque pièce en enfilade du laboratoire accueille ainsi un artiste dont le projet se marie bien avec cet espace. La vidéo "Mandalas" (1981) du Moscovite avant-gardiste Yuri Sobolev est ainsi drapée dans un décor sombre de théâtre. Très intéressé par l’ésotérisme et le cosmos, Sobolev était très proche du graphiste estonien Tönis Vint, également représenté dans l’exposition. Il est aussi considéré comme un pionnier en technologies dans les années 1960.

Dans un espace nettement plus large, Ivar Veermaë analyse le rôle de la technologie et son lien avec l’archéologie. Ses projections intitulées "Replica" (2017) représentent notamment l’arc monumental de Palmyre, en Syrie, détruit en 2015 par l’Etat islamique. Taavi Suisalu présente sur tout un mur un "Distant Self-portrait" (2016), "réalisé à une distance de 800 km par un ancien satellite météo russe" qui dysfonctionne, nous expliquait-il. Un sujet qu’il a largement exploité, "en réaction à la proximité des selfies". Il y allie une bande sonore qui reflète la situation des satellites dans le ciel (photo dans le texte).

Les photographes Sigrid Viir et Paul Kuimet présentent à cette exposition des œuvres de format atypique, liées à un écran. Kuimet a découvert au Musée d’art d’Estonie une sculpture en aluminium du sculpteur Edgar Viies (1969) qui contient une boucle de Möbius. En la filmant, il crée l’illusion d’un mouvement sans fin (photo ci-dessous). Avec "2060" (réalisé en 2014), l’artiste crée l’illusion que la technologie n’a plus besoin de l’humain pour exister. Quant à Marge Monko, basée à Tallinn, elle présente "Dear D" (2015) au Lab. Cette vidéo analyse en 8 minutes, avec commentaire en voix "off", le processus d’écriture d’une lettre d’amour, avec toutes les hésitations qui lui sont inhérentes.

Bozar Electronic Arts Festival

Info et tickets : Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
www.bozar.be/beaf
T. +32 2 507 82 00

Les expositions Starts Prize ’17, Tendencies - Belgian Art in Digital Age, et Future Emerging Art and Technology (FEAT) sont encore à voir jusqu’au 30 septembre.

L’exposition "The Archeology of the Screen. The Estonian Example" se poursuit jusqu’au 12 novembre 2017.

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