Un passage en force du CETA via le Sénat?

Deux sénateurs libéraux flamands, Rik Daems et Lode Vereeck, ont annoncé vendredi le dépôt d'une résolution invitant le gouvernement fédéral à approuver les accords de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada d'une part (CETA) et avec les Etats-Unis d'autre part (TTIP), en dépit du non wallon au premier. Selon les deux sénateurs Open VLD, une approbation de cette résolution par le Sénat autoriserait la Belgique à approuver le CETA. Cette position est toutefois jugée "peu sérieuse" par différents constitutionnalistes.

"Toutes les entités fédérées belges disposent d'une représentation permanente au Sénat, où elles se concertent. C'est donc l'organe parfait pour donner un feu vert définitif ou non aux traités commerciaux qui concernent les parlements des entités", ont affirmé MM. Daems et Vereeck dans un communiqué, rappelant que le commerce extérieur était une compétence partagée entre le niveau fédéral et les Régions.

Si une majorité se dégage au Sénat en faveur du CETA, "il serait on ne peut plus logique que la Belgique signe cet accord, ont conclu les deux sénateurs.

L'ancien commissaire européen au commerce Karel De Gucht, qui appartient au même parti, a pour sa part déclaré vendredi que la Wallonie n'obtiendra jamais une modification du traité. "Je ne comprends pas l'obstination de M. Magnette (le ministre-président wallon Paul Magnette) dans ce dossier" a-t-il ajouté.

Samedi, le MR a embrayé en plaidant pour que la proposition de résolution des sénateurs flamands soit "examinée dans le respect des dispositions constitutionnelles". Pour le parti, le Sénat est en effet le "lieu adéquat" où discuter du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.

"Peu sérieux"

La position avancée par les deux sénateurs libéraux a été jugée "peu sérieuse" par différents constitutionnalistes.

"Le CETA est un traité dit 'mixte', en ceci qu'il porte sur des matières à la fois fédérales et régionales. Juridiquement, les modalités de conclusion de ces traités sont fixées par un accord de coopération conclu le 8 mars 1994 par la collectivité fédérale, les communautés et les régions. Cet accord de coopération implique directement les collectivités fédérées concernées tant au moment de la signature - c'est la phase actuelle - qu'au moment de l'assentiment. Il ne confie aucun rôle au Sénat sur ce point, pas davantage que la Constitution elle-même", a ainsi expliqué Marc Verdussen, constitutionnaliste à l'UCL.

"La proposition de l'Open VLD supposerait à tout le moins une modification de l'accord de coopération, ce qui est politiquement inconcevable", a poursuivi Marc Verdussen selon qui "la sixième réforme de l'Etat aurait pu être l'occasion de confier un rôle central au Sénat dans la conclusion des traités mixtes. Mais au lieu de ça, on en a fait l'institution parlementaire la plus faible du Royaume."

"La position du gouvernement fédéral est honnête et pertinente: il applique le droit tel qu'il est depuis 1994 et la 4e réforme de l'Etat", a renchéri Christian Behrendt, constitutionnaliste à l'ULg. "Les textes sont clairs et ne font pas débat: le gouvernement fédéral ne peut signer l'accord sans le feu vert des entités fédérées, ce qui au départ était une revendication flamande", a-t-il ajouté. "Dans le cas du CETA, il y a un désaccord mais cela ne signifie pas que l'on peut outrepasser la règle de droit. Faire ce genre de déclaration est peu sérieux, et je reste pondéré", a conclu Christian Behrendt.

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