"La figure, reflet de l’âme" au musée de Flandre à Cassel

Le musée de Flandre, situé à Cassel en France à un jet de pierre de la frontière, propose jusqu’au 1er avril 2018, en collaboration avec le musée des Beaux-Arts de Dunkerque, une nouvelle exposition intitulée : "La figure ou le reflet de l’âme", un parcours qui nous fait découvrir l’évolution de la représentation de l’être humain par les peintres flamands au XVI et XVII siècles.

Le seul musée consacré uniquement à mettre en lumière la richesse de l’identité culturelle flamande se trouve, paradoxalement, de l’autre côté de la frontière dans le nord de la France, à Cassel.

L’Hôtel de la Noble Cour, une ancienne châtellerie entièrement restaurée abrite le musée départemental du Nord. Ce très beau musée qui a rouvert il y a sept ans propose, en collaboration avec le musée des Beaux-Arts de Dunkerque (actuellement fermé), une nouvelle exposition qui ne se réduit pas au genre du portrait.

A travers une cinquantaine d’œuvres on découvre l’évolution de la représentation de l’être humain qu’il soit réel ou imaginaire que ce soit le christ, un roi, un riche bourgeois, un enfant ou un vieillard.

Depuis les Primitifs, les peintres flamands se caractérisaient par un réalisme sans concession, mais aussi, et peut-être surtout, par un réel talent de physionomiste pour précisément faire surgir à la surface de la peau, l'âme du modèle.

Incarner le divin

En préambule, les visiteurs sont appelés à découvrir la nouvelle acquisition du musée, "L'arrestation du Christ", une œuvre significative du courant anversois et attribuée au "Maître de 1518" identifié comme étant Jan Mertens van Dornicke. Cette œuvre constitue le point de départ de l’exposition : "Comment incarner le divin ?" Malgré les Dix Commandements qui interdisent à l’être humain de dresser des effigies à l’image de Dieu, le Christ a très tôt été représenté.

De rares sources existent, comme la lettre (finalement apocryphe) de Lentulus, gouverneur de Judée avant Ponce Pilate ou l’Évangile selon saint Jean. Le peintre flamand du XVe siècle Albrecht Bouts fait ainsi de son Christ couronné d’épines, un homme pâle, aux cheveux bruns bouclés et à la barbe évanescente. Ce tableau fera l’objet de nombreuses répliques.

Mais comment distinguer les Saints ou les personnages de la mythologie ? Les artistes ont eu recours à une codification précise qui s’exprime à travers des attributs. Jupiter apparait par exemple avec un aigle et Junon avec un paon.

Le portrait d’apparat

Outre la figure du divin, un autre but du portrait était de diffuser largement l’image du prince et de perpétuer son souvenir, il sert aussi à fournir des informations sur le physique des époux potentiels en vue d’un mariage. C’est le cas du portrait d’apparat.

Un exemple classique est ce ce portrait de Ferdinand d'Autriche peint par Antoon van Dyck.

Frans Pourbus le Jeune est un des meilleurs représentants du genre. On peut aussi admirer le portrait d’Henriette-Marie de France, saisissant de réalisme. Juste à côté une tête d’enfant qui sert aussi d’affiche à l’exposition.

Ce portrait est entouré de mystère, on ignore l’identité de cet enfant âge de 4 ou 5 ans et dont le riche costume indique qu’il s’agit certainement d’un prince de sang. Le réalisme de ses traits, si ce n’est l’oreille qui parait esquissée témoignent du talent de l’artiste qui est aussi demeuré inconnu.

Le portrait bourgeois

Si le droit de se faire portraiturer fut réservé durant des siècles aux saints et aux souverains, dès le début du XVème siècle ce privilège s’ouvre également aux bourgeois. Ils apparaissent d’abord en tant que donateurs sur les retables d’églises dont le sujet concerne un épisode religieux. Dans la seconde moitié du XVIème siècle les règles très strictes en matière d’habillement et d’étiquette sont reprises à grande échelle dans les anciens Pays-Bas.

Ainsi sur ces "Trois têtes masculines" de Frans Pourbus le Jeune, on est frappé par la précision quasi-photographique de la représentation. Chaque rides, chaque poils de barbe ou chaque cheveux sont traités avec une extrême minutie.

Les études de têtes

A la fin du XVIème et au début du XVIIème siècle, Rubens, Van Dyck et Jordaens exécutent aussi des études de têtes. L’objectif est de constituer un catalogue dans lequel leurs collaborateurs pourront puiser pour réaliser des compositions religieuses ou mythologiques. Ces modèles sont pour la plupart issus de l’entourage proche du peintre. Ainsi cette tête d’un homme barbu attribuée à Antoon van Dyck qui est exceptionnelle avec un regard d’une rare intensité. Ce portrait, comme le dit le titre de l’exposition, est le reflet d’une âme.

Les Portraits de genre

Enfin, la dernière section explore le portrait de genre. Dès le début du XVIème siècle, Pieter Breughel l’Ancien et surtout son fils Pieter Breughel le Jeune en sont les spécialistes : jeux, intérieurs de taverne où l’on boit et où l’on fume, joueurs de carte ou de musique. Adriaen Brouwer ou David Teniers le Jeune mettent en scène paysans ou artisans dans des compositions chargées de retranscrire leur quotidien. Le sourire édenté, les yeux révulsés, le nez rouge, La Rieuse de Van de Venne n’inspire pas la joie mais la misère de sa condition. Le visage sert, cette fois, à dépeindre, voire critiquer une réalité sociale, aux antipodes du portrait d’apparat ou bourgeois.

"La figure ou le reflet de l’âme", au musée départemental de Flandre, 26, Grand-Place à Cassel jusqu’au 1er avril 2018, du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h, le dimanche de 10h à 18h. www.museedeflandre.lenord.fr.
 

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