L’opéra de La Monnaie abandonne la danse et le baroque

Contrainte à des coupes budgétaires par les autorités fédérales - avec un budget raboté d'environ 2,5 millions d’euros en 2015 -, l’institution culturelle bruxelloise va devoir supprimer l’équivalent de 16 emplois à temps plein et abandonner des projets d’opéras baroques et de danse. La compagnie de danse Rosas et le Kaaitheater parlent d’"attentat contre le public de danse bruxellois".

Seize équivalents temps plein vont être supprimés dans les prochains mois au sein de l'institution culturelle bruxelloise La Monnaie, a indiqué mardi son directeur général Peter de Caluwe. Onze de ces emplois concernent des travailleurs qui devaient quitter l'institution en 2014 ou 2015, et ne seront pas remplacés. Cinq autres personnes devront être licenciées.

La mesure entre dans le cadre d'un programme d'économies plus large imposé par les coupes budgétaires décrétées par les autorités pour les administrations fédérales - au nombre desquelles comptent les institutions culturelles que sont l’opéra La Monnaie (photo principale), le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar) et l’Orchestre National de Belgique.

"Le budget 2015 de La Monnaie comporte 44,5 millions d'euros, pour environ 47 en 2014", a rappelé le gestionnaire financier de l'institution, Thomas Lauriot dit Prévost. "Jusqu'en octobre, nous avons bâti le budget 2015 en tenant compte de l'hypothèse de subsides fédéraux que l'Etat nous avait communiquée et qui était de 35,104 millions d'euros. Avec le saut d'index et une économie de 15% qui nous a été imposée sur les frais de fonctionnement, nous nous retrouvons finalement avec 33,255 millions d'euros de subsides."

L'économie à réaliser ne sera pas unique, mais une mesure récurrente. "Pour garder un fonctionnement optimal, le théâtre a décidé de répartir l'effort de manière équilibrée sur ses trois gros postes de dépenses", soit la masse salariale des collaborateurs permanents, les frais de fonctionnement (chauffage, cantine...) et les frais de production, précise Thomas Lauriot dit Prévost. Les mesures vont d'une révision de la cantine au fait de repenser la stratégie de communication avec sans doute moins de supports imprimés.

Une longue tradition qui meurt

Les coupes structurelles dans les dépenses de production auront quant à elles comme conséquence, si rien ne change, l'abandon des projets baroques et de la danse. Ce type de productions ne sera plus organisé à La Monnaie, déplore l’intendant Peter de Caluwe. "Pour nous, l'essentiel est de protéger notre particularité de ‘maison d'opéra intégrée', avec des ateliers propres rassemblant les différents métiers de l'opéra", indique-t-il. "Pour protéger nos propres travailleurs et veiller à ce que les musiciens internes à La Monnaie aient suffisamment de travail, nous devrons limiter les investissements dans les ensembles extérieurs."

En octobre dernier, de Caluwe avait déjà publiquement mis en question les lourdes économies imposées aux institutions culturelles fédérales et craint qu’elles n’entrainent "un black-out culturel". Ces institutions devront en effet réaliser des économies supplémentaires de 2% annuellement jusqu’en 2019, d’après l’accord du gouvernement Michel.

L’une des conséquences directes des économies imposées sera donc la suspension de projets de danse dans la maison plus que tricentenaire. Depuis la fondation de la compagnie Ballet du XXe siècle par le chorégraphe Maurice Béjart, en 1960, La Monnaie est intimement liée à la création contemporaine de danse en Belgique et mondialement réputée dans ce domaine. Après la compagnie de Béjart, elle a aussi accueilli de longues années en résidence Rosas (photo), la compagnie de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker.

Bien que Rosas ne soit plus aussi intimement liée à La Monnaie depuis plusieurs années, la compagnie de danse contemporaine restait néanmoins programmée chaque saison à l’opéra bruxellois. L’annonce de la suspension des projets de danse interpelle donc la compagnie. "C’est un attentat contre le public de danse bruxellois", estime sa direction.

Bruxelles est en effet l’une des bases de travail de Rosas, avec Paris. "Si une compagnie importante de danse contemporaine n’a plus de place sur l’une des principales scènes de Bruxelles, c’est un coup dur pour la réputation internationale de Bruxelles dans le domaine de la danse". L’abandon de coproduction avec La Monnaie entraînera pour Rosas une perte de 100.000 euros de revenus.

Pour le Kaaitheater, la décision de La Monnaie est également lourde de conséquences. Le théâtre bruxellois collaborait en effet avec Rosas et la maison d’opéra, notamment pour partager les coûts de production. "Nous continuons à programmer Rosas au Kaaitheater. Mais de grosses productions sont impossibles pour nous. La fosse d’orchestre est trop petite pour cela", a expliqué le directeur artistique Guy Gypens au site brusselsnieuws.be.

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