"Les Belges ont abandonné 2.000 Rwandais"

La décision du 7 avril 1994 d'évacuer les Casques bleus belges de l'Ecole Technique Officielle (ETO) Don Bosco de Kigali a été prise sous l'égide de la Belgique et non de la MINUAR, la mission de paix des Nations unies au Rwanda. C'est ce qui ressort du jugement interlocutoire rendu mercredi par le tribunal de première instance au procès intenté par des survivants du génocide rwandais contre l'Etat belge et trois officiers de l'armée belge.

Plus de 2.000 Rwandais s'étaient réfugiés début avril, au commencement du génocide, à l'ETO, car l'école était protégée par 92 Casques bleus belges. A la suite du départ des Casques bleus, le 11 avril 1994, ils avaient été massacrés par les milices Interahamwe et l'armée régulière rwandaise.

Les survivants de ce massacre et des membres des familles des victimes avaient cité l'Etat belge et les officiers Luc Marchal, Joseph Dewez et Luc Lemaire car le gouvernement belge avait décidé le 7 avril d'évacuer ses troupes, à la suite de l'assassinat des dix Casques bleus belges. Cette décision avait, selon les plaignants, eu pour conséquence que les génocidaires avaient pu agir sans être inquiétés.

"La Belgique savait que les 2.000 Rwandais étaient en danger"

Le ministère de la Défense avait argumenté que les Belges se trouvaient encore sous commandement de l'ONU lorsqu'ils ont été évacués de l'ETO, mais cet argument a été balayé.

Le juge a estimé que l'Etat belge et les officiers savaient les crimes de grande ampleur qui avaient été commis avant l'évacuation de l'ETO et qu'ils pouvaient supposer que ces crimes auraient également pu avoir été commis sur des personnes qui s'étaient réfugiées dans l'école, une fois que les soldats belges ne pouvaient plus offrir de protection. Le juge a reconnu le lien de cause à effet entre l'abandon des personnes par les Belges et le massacre qui a suivi.

Le fait que les militaires belges ne suivent seulement que les ordres, n'est pas aux yeux du juge un argument pour les décharger de leur responsabilité, de même que le fait que l'exécution de ces ordres pouvait déboucher sur des crimes de guerre.

Les militaires belges n'ont pas non plus été déchargés de leur responsabilité sur le fait que pour le départ des Belges, des alternatives ont été cherchées en vain pour protéger les personnes qui s'étaient réfugiées dans l'école.

Avec ce jugement interlocutoire, le tribunal de première instance de Bruxelles n'a pas encore rendu de jugement sur le fond de l'affaire. Les réquisitions à l'encontre des trois officiers ont été déclarées recevables.

La demande dirigée contre l'Etat belge serait prescrite en raison d'une faute civile. Le tribunal a laissé ouverte la possibilité de rendre l'Etat belge civilement coupable pour les fautes qui auraient été commises par ses officiers.

Le procès se poursuivra le 14 février prochain, avec la projection du film "Shooting Dogs" sur le drame qui s'est déroulé à l'ETO, et ensuite le 12 octobre 2011.

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