Van Rompuy devient président de l'Union

Le Premier ministre Herman Van Rompuy (CD&V) - réputé pour son calme et sa fermeté, sa foi profonde et sa modestie innée - réussit à 62 ans un exploit auquel n’étaient pas parvenus ses prédécesseurs Guy Verhofstadt (Open VLD) et Jean-Luc Dehaene (CD&V) : accéder à l’une des plus hautes fonctions européennes. Le Belge, considéré par certains comme trop intellectuel et trop discret, devient le premier président stable du Conseil européen, une fonction qui voit le jour grâce à la ratification toute récente, par les 27 pays membres, du Traité de Lisbonne.

Réunis dès 18h00, ce jeudi à Bruxelles, pour un souper et un sommet spécial, les chefs d'Etats et de gouvernements des 27 pays membres de l'Union européenne sont finalement parvenus rapidement (vers 19h00) à un consensus au sujet du choix du premier président stable du Conseil européen - une fonction qui remplace l'actuel système de la présidence tournante tous les 6 mois. 

Comme de nombreux observateurs l’avaient déjà prédit, c’est le Premier ministre belge Herman Van Rompuy (CD&V) qui a été désigné premier président de l’Union. Le Premier ministre, qui n’a jamais été candidat au poste, avait cependant affirmé il y a quelques jours ne pas pouvoir refuser cette fonction si elle lui était proposée.

Ce jeudi après-midi, à la Chambre (photo), Van Rompuy avait encore affirmé vivre l’attente de la nomination d’un président européen « avec des sentiments partagés, car j’ai aussi un devoir en Belgique ».

Les dirigeants de l'Union se sont également mis d'accord pour désigner au poste de Haut représentant aux affaires étrangères de l'UE la socialiste britannique Catherine Ashton (photo).

Elle occupe actuellement le poste de Commissaire européenne au Commerce.

 

Herman van Rompuy, homme de consensus

Né dans la commune bruxelloise d’Etterbeek en octobre 1947, Herman Van Rompuy étudia d’abord la philosophie avant d’effectuer un doctorat en Sciences économiques à l’Université Catholique de Louvain (1971). Deux domaines d’intérêt qui imprègnent sa vie spirituelle et professionnelle.

Marié à Geertrui Windels et père de quatre enfants adultes, Van Rompuy est un homme d’une foi profonde qui effectue régulièrement des retraites à l’abbaye d’Affligem (Brabant flamand), est réputé pour sa sagesse, sa passion pour la lecture et la philosophie.

Il débuta néanmoins sa carrière professionnelle comme attaché au Bureau d’études de la Banque nationale de Belgique, avant d’être conseillé aux cabinets des ministres Leo Tindemans et Gaston Geens (1975-1980), puis directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales du CVP (1980-88).

Fervent défenseur des valeurs éthiques - même face à des grandes pointures du parti démocrate-chrétien flamand telles que l’ancien président de parti Johan Van Hecke et l’ex-Premier ministre Wilfried Martens -, Van Rompuy fut vice-président national des jeunes CVP (1073-77), avant de devenir président de l’arrondissement CVP de Bruxelles-Hal-Vilvorde (1982-88), sénateur CVP (1988-95) et président national du CVP (1988-93).

Ses deux fonctions ministérielles se situèrent par contre dans le domaine économique : secrétaire d’Etat aux Finances et PME (1988) et ministre du Budget (1993-99). En cette dernière qualité, il parvint à réduire de façon significative le déficit budgétaire du pays.

Il faut dire aussi que l’actuel habitant de la commune à facilités linguistiques de Rhode-Saint-Genèse (périphérie bruxelloise) émane d’une famille solidement ancrée en politique. Son frère Eric fut autrefois ministre en Flandre et est aujourd’hui député flamand CD&V, tandis que son fils ainé Peter travaille au cabinet du ministre de la Défense Pieter De Crem (CD&V). Sa sœur Tine (photo) opta pour une autre direction politique : aux élections européennes de juin dernier, elle figurait sur la liste du parti d’extrême-gauche PVDA+.

Modeste et pince-sans-rire

C’est d’ailleurs Eric Van Rompuy qui, dans une interview, décrivit récemment son frère ainé comme « un homme très doux, humain, soucieux de ses proches et plein d’humour, (avec) la faculté de cacher ses émotions ».

Cet homme qui déteste parler de lui et qui affirmait en 2008 au quotidien La Libre Belgique : « J’ai des fonctions importantes mais je ne suis pas important », surprend à bien des égards. Il a déjà écrit 8 livres, tient toujours un journal et pratique l’art du haïku (forme de poésie japonaise très codifiée et concise), mais affirme être totalement insensible à la musique. Il est par contre un supporter actif du Sporting d’Anderlecht (photo). Et puis il passait cet été des vacances avec son épouse en Australie, tout simplement en caravane, et se révèle doté d’un grand humour, souvent pince-sans-rire.

Mais l’homme politique qui était nommé en juillet 2007 président de la Chambre des Représentants, et semblait avoir trouvé ainsi le poste qui le mènerait à sa retraite, est apprécié pour sa longue expérience et sa fermeté tranquille. A tel point que le roi Albert II lui confia en septembre 2008 le rôle d’explorateur et un mois plus tard celui de conciliateur pour tenter de sortir la Belgique de la crise politique née dans le prolongement des élections fédérales de 2007.

Fin décembre 2008, alors que le Premier ministre Yves Leterme (CD&V) et le ministre de la Justice Jo Vandeurzen (CD&V) démissionnaient à la suite de soupçons d’ingérence du politique dans le dossier de la vente de Fortis à la banque française BNP Paribas, Herman Van Rompuy était appelé à reprendre la direction du gouvernement fédéral. Par sens du devoir, mais ouvertement à contrecœur, il acceptait le 30 décembre 2008 la fonction exigeante.

Moins d’un an plus tard, Van Rompuy était parvenu à ramener le calme et une cohésion au sein du gouvernement fédéral, faisant presque oublier la période très houleuse du mandat de son prédécesseur.

Ses capacités de leader et de conciliateur n’auront pas échappé aux observateurs européens. Un journaliste danois ne déclarait-il pas récemment : « Nous savons tous que lorsqu’on est capable d’unifier la Belgique, on possède les aptitudes à rassembler 27 pays ».

Herman Van Rompuy a donc fait l'objet d'un consensus au sein de l’Union. Il pourra en grande partie façonner lui-même sa nouvelle fonction. L’homme qui, il y a un an encore, semblait terminer paisiblement sa carrière politique a donc été appelé à dessiner l’avenir de l’Europe.

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