"Je m'adresse une dernière fois à vous comme Roi"

Le roi Albert II a prononcé ce 20 juillet son dernier discours en tant que souverain à la veille de la Fête Nationale puisqu'il abdiquera dimanche. C'est avec émotion qu'il s'est adressé à la population belge, en formulant notamment quatre souhaits pour l'avenir. Voici l'intégralité de son discours.

Mesdames et Messieurs,

Il y a près de 20 ans, mon frère le Roi Baudouin nous quittait et je lui ai succédé. Je voudrais encore saluer sa mémoire. Il a su allier un grand sens de l’Etat et du devoir, avec une réelle bonté, une grande simplicité, et un souci pour les plus faibles de notre société.

Aujourd’hui, c’est avec émotion que je m’adresse une dernière fois à vous comme Roi. Pendant 20 ans et ces jours-ci encore vous m’avez, par vos témoignages d’attachement, encouragé dans la tâche qui était la mienne. Je vous en remercie chaleureusement.

Je voudrais aussi dire ma gratitude à différents groupes de responsables de notre société. Durant mon règne j’ai apprécié la compétence, le dévouement et le sens du compromis constructif de très nombreux hommes et femmes politiques. Si notre pays n’est pas toujours facile à gouverner, son pluralisme constitue une richesse démocratique précieuse. J’ai rencontré des responsables politiques qui ont fait preuve d’un remarquable sens de l’intérêt général dans des circonstances difficiles.

J’en veux pour preuves toutes récentes les accords budgétaires pour 2013 et 2014, le compromis trouvé sur le statut ouvriers-employés et les solutions dégagées pour l’approvisionnement de notre pays en électricité. Avec ces accords récents, et ceux réalisés précédemment sur la réforme de l’Etat et sur le plan économique et social, la Belgique a trouvé un souffle nouveau tant sur le plan intérieur qu’européen. Ceci nous permet d’envisager l’avenir avec confiance.

Je rends également hommage à l’ensemble de la fonction publique. Je pense particulièrement à tous les militaires qui ont servi ou qui servent encore en opérations de paix à travers le monde.

Par ailleurs, nous avons pu côtoyer de nombreux dirigeants économiques et des partenaires sociaux qui ont fait preuve de dynamisme dans un monde toujours plus globalisé, et qui se sont efforcés d’encourager et de préserver la dimension sociale de notre développement économique. Ils viennent encore d’en fournir un bel exemple. En période de crise c’est souvent plus difficile à réaliser, mais cela demeure essentiel.

La Reine et moi avons été charmés aussi par nos contacts avec le monde culturel qui témoigne d’une étonnante créativité due au fait que notre pays se situe aux confins de plusieurs grandes cultures. Enfin, la vitalité et la générosité du monde associatif constituent un grand atout pour la Belgique. Notre pays compte également de nombreux talents dont nous pouvons être fiers.

Quatre souhaits pour l'avenir

Vous me demanderez peut être, au moment où je quitte ma fonction, quels sont mes souhaits pour l’avenir. J’en ai beaucoup mais j’en exprimerai surtout quatre.

1. Premièrement, que la Belgique garde sa cohésion. Elle s’est transformée depuis une quarantaine d’années, de façon pacifique et démocratique, d’un Etat unitaire en un Etat fédéral, où les entités jouissent d’une très large autonomie. Et avec la mise en œuvre de la 6ème réforme de l’Etat, cette autonomie va se renforcer considérablement. Je profite de cette occasion pour saluer l’énorme travail réalisé ces derniers mois par le gouvernement et ses collaborateurs.

Dans un monde qui change rapidement, il est important que chaque responsabilité publique soit exercée au niveau qui est le plus équitable et le plus efficace. De même, je suis convaincu que le maintien de la cohésion de notre Etat fédéral est vital, non seulement pour la qualité de notre vie ensemble, qui nécessite le dialogue, mais aussi pour la préservation de notre bien-être à tous.

2. Deuxièmement, continuons à croire fermement dans l’Europe. Dans notre monde, cette construction européenne est plus que jamais nécessaire. Dans beaucoup de domaines les défis ne peuvent être rencontrés qu’au niveau européen, et c’est à ce niveau qu’un certain nombre de valeurs peuvent être le mieux défendues. Je pense à la richesse de la diversité, au pluralisme démocratique, à la tolérance, à la solidarité, et à la protection des plus faibles.

Mais il est essentiel que le projet européen soit plus qu’un projet budgétaire, qu’il mette également l’accent sur la croissance durable, sur l’emploi, sur les perspectives d’avenir pour les jeunes, sur la justice sociale, et sur la culture.

Notre pays lui-même, doit être un moteur d’une construction européenne où la dimension humaine et démocratique est centrale. Notre pragmatisme, notre sens de l’équilibre, et notre ouverture à l’autre, sont des qualités précieuses pour atteindre ces objectifs. Et de plus, nous avons la chance que les principales institutions européennes soient situées au cœur de notre pays.

3. Enfin, troisièmement, même en période de crise en Europe, restons ouverts aux pays en développement. Pour nous Belges, soyons attentifs à l’Afrique Centrale avec laquelle nous avons tissé tant de liens, et qui traverse aujourd’hui tellement d’épreuves.

4. Je terminerai par un souhait qui m’est très cher comme Roi et comme père : entourez le futur Roi Philippe et la future Reine Mathilde de votre collaboration active et de votre soutien. Ils forment un excellent couple au service de notre pays, et ils jouissent de toute ma confiance.

Quant à la Reine et moi, nous continuerons, dans la discrétion cette fois, à nous intéresser à ce qui se passe dans notre pays, que nous aimons tant.

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