"Sans prévention, un nouveau mouvement djihadiste n’est pas à exclure, en Belgique"

"Par rapport à il y a quelques années, les prisons belges savent mieux aujourd’hui comment gérer le cas des "returnees", ces anciens combattants de Syrie qui sont rentrés au pays", constate le spécialiste des relations internationales, Rik Coolsaet. Durant deux ans, il a mené des recherches sur la question avec l’institut Egmont. Mais il met en garde : "Le terreau du djihadisme reste bien présent".

Que faire des combattants étrangers qui rentrent en Belgique après avoir combattu en Syrie ? Jusqu’il y a quelques mois on se posait cette question régulièrement dans les hautes sphères de l’Etat. On redoutait qu’une vague de ces djihadistes ne provoque un nouveau bain de sang.

Cette crainte s’est avérée infondée : actuellement ce sont surtout des femmes et des enfants qui veulent rentrer en Belgique. De plus la capacité de l’Etat islamique de produire à grande échelle une propagande et de coordonner des attaques de grandes envergure comme celles de Paris ou de Bruxelles s’est effondrée avec le califat.

Rik Coolsaet qui est professeur honoraire de relations internationales à l'Université de Gand semble relativement optimiste : "Alors qu'il y a deux ans, le personnel pénitentiaire avait dû improviser dans les prisons pour les combattants syriens, la Belgique a poursuivi en 2018 une politique cohérente de retour, plus que l'Allemagne par exemple. De plus, l’OCAM a décidé cette année de réduire le niveau de la menace dans notre pays, ce qui est unique en Europe".

"Mais la menace n’a pas disparu. Certains jeunes vivent encore avec le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. La stigmatisation des musulmans et des enfants issus de l’immigration est réelle. C’est le terreau du djihadisme que l’Etat islamique a utilisé. Et si nous n’éliminons pas les causes et ne prenons pas des mesures préventives nous ne pouvons exclure la possibilité qu’un nouveau djihadisme ne voit le jour dans les cinq ans" ajoute Coolsaet.

Pour Rik Coolsaet, mettre en place un processus de déradicalisation est impossible. "La majorité de ces "returnees" ne sont pas intéressés par des discussions théologiques, et on ne peut pas, aussi facilement, leur mettre d’autres idées en tête". 

Renoncer à la violence mais conserver sa foi

Rik Coolsaet plaide pour l’approche alternative qui s’est imposée chez nous et aux Pays-Bas. "Vous pouvez aider ces gens à réintégrer la société à partir de l'idée qu'ils doivent renoncer à la violence, tout en conservant leur foi. Il faut les guider individuellement et tenter de décrypter les motivations qui les ont poussé à rejoindre Daesh. Ces motifs varient d'une personne à l'autre".

Cet accompagnement se fera par une personne de confiance : "chez les uns ce sera l’imam chez d’autres un professeur. C’est une tâche qui exige énormément de travail mais il n’y a pas d’autres alternatives" conclu Coolsaet.
 

La 3e vague de retour des combattants étrangers concerne surtout femmes et enfants

"Avec la chute du califat et le recul militaire de Daesh, il y a de fortes chances qu'un grand nombre de combattants meure ou soit arrêté et condamné sur place", explique Thomas Renard, l'un des auteurs du rapport de l'Institut Egmont.

"Mais la troisième vague pourrait cependant avoir lieu: elle concernerait plutôt les enfants et les femmes, qui seront probablement traités avec plus de clémence par les milices et autorités locales."

Selon l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace (Ocam), environ 137 Belges mineurs se trouvent encore en Syrie, dont trois quarts sont nés là-bas. Ces enfants sont globalement considérés et traités en tant que victimes par les autorités, mais "une petite minorité pourrait constituer dans le futur une menace sécuritaire", pointe l'étude de l'institut Egmont.

Il n'y aurait, à l'heure actuelle, qu'un seul dossier de retour d'enfant en cours, selon le cabinet du ministre des Affaires étrangères. Les femmes, qui représentent près d'un combattant sur cinq dans les rangs de Daesh, ne bénéficient plus d'un traitement de faveur de la part des autorités belges. "Les femmes djihadistes sont passées du statut de victime à celui de participantes, potentiellement dangereuses", observe Thomas Renard.
 

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