Patrick Dewael : "Le manque de moyen n'est pas le seul problème"

Des éléments devront être revus dans l'architecture de sécurité, estime le président de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats terroristes, Patrick Dewael (Open VLD). Les moyens ne sont pas seuls en cause; une certaine culture de sécurité faisait également défaut en Belgique, constate-t-il après dix mois de travaux de sa commission.

Mise sur pied après les événements du 22 mars, la commission totalise 342 heures de travail. Elle a entendu 186 témoins au cours de 107 auditions. Le deuxième volet de ses travaux était consacré à l'architecture des services de sécurité et de renseignement.

µTrois cas ont été plus particulièrement étudiés: ceux des frères Abdeslam et El Bakraoui, kamikazes de Paris et de Bruxelles, et celui d'Oussama Atar, soupçonné d'être le cerveau des attentats. La commission a entendu de nombreux agents et responsables de la police et des services de renseignements ainsi que plusieurs acteurs du monde judiciaire.

Selon la co-rapporteuse de la commission, Laurette Onkelinx (PS), la Sûreté de l'Etat n'a rien vu venir. Le président se veut nuancé mais il reconnaît toutefois qu'il y a un problème.

"Si aujourd'hui, on n'est pas convaincu du fait que la Sûreté de l'Etat est un service qui a fait face et fait peut-être toujours face à un manque d'hommes et de moyens, on nie l'évidence. Nous n'avons pas eu sur ce plan de culture de sécurité dans notre pays et nous le payons en partie aujourd'hui, car il est apparu plusieurs fois que la Sûreté de l'Etat ne savait pas des choses mais peut-être n'était-elle tout simplement pas en mesure de le savoir. Si on ne met pas de l'huile dans les rouages, on ne doit pas s'attendre à ce que le moteur tourne bien", a expliqué Patrick Dewael au cours d'un entretien avec l'agence Belga.

Le président se refuse toutefois à voir dans le manque de moyens le seul problème. Plusieurs services ont fait état des mêmes problèmes. "Nous avons peut-être deux ou trois choses qui sont redondantes. La DR3 (section anti-terroriste de la police judiciaire), la DJSOC (Direction générale de lutte contre la criminalité organisée) et la Computer Crime Unit nous disent qu'elles n'ont pas assez d'islamologues, pas assez de traducteurs. On peut demander plus de moyens pour les trois mais aussi les restructurer".

Entre 2003 et 2017, le budget du département de l'Intérieur a augmenté de 28%, rappelle-t-il. Et la Belgique connaît un taux d'agent de police par habitant élevé. "Prétendre que l'on va résoudre le problème simplement en donnant plus d'argent, ce n'est pas juste non plus".

"Mieux faire circuler l'information"

Plusieurs auditions ont révélé un problème dans la circulation de l'information et plus encore dans la coordination des services. Dans le cas des frères Abdeslam, la police locale n'a ainsi pas eu connaissance des suites réservées par la police fédérale à ses procès-verbaux et le parquet fédéral a décidé d'un classement sans suite alors que des enquêtes étaient toujours en cours.

"L'information doit être partagée mais il faut savoir aussi comment on la partage. Je sais quelque chose et j'appuie sur le bouton pour que les autres soient aussi au courant, sans aucune contextualisation, analyse, etc. En d'autres mots, le phénomène de l'infobésité".

L'ancien ministre de l'Intérieur souhaite que les services se concertent davantage. Il plaide pour que des initiatives comme celles des "task-force" locales ou des cellules de sécurité intégrale soient prises à l'échelon fédéral.

La commission a instruit "à charge et à décharge", s'est félicité M. Dewael. Elle présentera ses conclusions et recommandations à la fin avril. "Je pense que l'on pourra atteindre un consensus sur une grande partie des recommandations. S'il s'agit de se prononcer sur des cas individuels ou sur des responsabilités politiques, la discussion sera bien sûr plus difficile", a-t-il souligné.

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