La Belgique a rapatrié des mineurs d'âge via des vols militaires

Le secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration Theo Francken (N-VA) a défendu la décision de rapatrier des familles avec enfants par des vols spéciaux, à bords d’avions militaires. "Tous ces rapatriements se sont déroulés correctement", a-t-il déclaré ce lundi matin dans l’émission "De ochtend"(VRT). "Par ailleurs, cela a déjà été fait par le passé et cela se passe aussi dans d’autres pays européens".

Ces dernières années, au moins 23 mineurs d'âge ont été placés par la Belgique sur des vols spéciaux, des vols sécurisés à bord d'appareils militaires, pour être renvoyés dans leur pays d'origine avec leur famille, écrit le quotidien flamand De Standaard ce lundi.

Le journal se base sur des rapports d'inspection des rapatriements sous accompagnement policier.

En général, ces familles qui sont expulsées, résidaient illégalement dans notre pays.

En principe ces "vols spéciaux" sont pourtant réservés aux criminels ou aux dealers qui représentent un trop grand danger sur des vols commerciaux.

"Le fait que des familles avec enfants soient rapatriées par de tels vols n’est pas nouveau", a estimé le secrétaire d'Etat Theo Francken. "Cela s’est passé aussi sous le gouvernement Di Rupo. De plus cela se déroule aussi dans tous les pays européens", renchérit Francken.

Des cas extrêmement rares

"En 2013, au moins trois familles ont pourtant été embarquées sur ce type de vols, une en 2015 et au moins deux en 2016", écrit De Standaard. Un vol similaire devait également avoir lieu avec une famille à bord en 2015, mais celle-ci s'est échappée.

Stephan Parmentier (KUL), rapporteur de la Commission Vermeersch qui s'était penchée sur la politique des retours forcés après le décès de Semira Adamu en 1998, estime la pratique "totalement aberrante".

"Selon le plan par étapes qui a été établi, les vols sécurisés ne peuvent être utilisés que quand quelqu'un n'est 'rapatriable' d'aucune autre manière. Est-ce que c'était vraiment le cas de toutes ces familles?" se demande-t-il.

"Lorsque ces gens persistent dans leur refus d’être rapatriés, le gouvernement a deux options", explique Theo Francken. "Ou bien nous ne faisons rien et nous les laissons rester ici, ou bien nous tentons malgré tout de les expulser. Mais de tels rapatriements sont très exceptionnels. Si on ne peut vraiment pas faire autrement, lorsque toutes les autres options ont été épuisées, alors nous devons utiliser cette méthode. Vous devez le reconnaître vous-même, sept familles en quatre ou cinq ans, on ne peut pas parler de pratique courante".

Des enfants à côté de criminels

Quant au fait que des enfants seraient assis à côté de dangereux criminels, Theo Francken nuance. "D’abord cela n’a pas dû se produire souvent. Peut-être une seule fois mais je vais vérifier cela".

"Et puis ces gens ne sont pas assis les uns à côté des autres," ajoute-t-il. "Des policiers sont présents, des assistants sociaux et des psychologues. Depuis la mort de Semira Adamu ces rapatriements sont très encadrés" conclu Francken.

De longues années de procédure pour obtenir les rapports d'inspection

Pour son article, le quotidien de Standaard se base sur les rapports d'inspection des rapatriements sous accompagnement policier, qu'il a reçus après des années de procédure.

La loi sur la publicité de l'administration a fait avancer les choses mais, en cas de refus persistant, les journalistes font face à de lourdes démarches.

"Il serait intéressant de simplifier les procédures de recours et de les rendre aussi puissantes que possible", avance Pol Deltour, secrétaire national de l'association flamande des journalistes (VVJ).

Depuis l'été 2013, De Standaard demandait à pouvoir consulter les rapports d'inspection, une requête que les Affaires intérieures ont systématiquement refusée, faisant entre autres référence à la vie privée des personnes concernées. Le journal a donc entamé une procédure devant la commission fédérale de recours en matière de publicité de l'administration, mais n'a obtenu les documents qu'après une décision du Conseil d'Etat en 2016.

La loi sur la publicité de l'administration est apparue milieu des années 90 et garantit l'accès des citoyens aux documents des autorités. En Belgique, les différents niveaux d'administration, fédéral et régional, ont chacun développé leur propre réglementation.

Au niveau fédéral, il existe, sous l'impulsion de l'Europe, deux organes de recours: l'un pour les affaires environnementales (Commission de recours pour l'accès aux informations environnementales) et un autre pour les dossiers non environnementaux (Commission d'accès aux documents administratifs/CADA).

Seule la commission de recours dispose d'un pouvoir décisionnel. La CADA peut, elle, uniquement formuler des avis. Si les autorités campent sur leurs positions et ne livrent pas les documents, cela implique donc une longue procédure devant le Conseil d'Etat.

Pol Deltour estime que la loi sur la publicité de l'administration a fait bouger les choses ces dernières années. De plus en plus de journalistes ont ainsi connaissance des possibilités existantes et invoquent la loi pour examiner les documents.

Par ailleurs, des changements sont aussi enregistrés du côté des administrations. "Ici et là, des résultats ont déjà été obtenus.

L'autorité flamande publie désormais les documents préparatoires et la ville de Gand fait de même au niveau local", explique le secrétaire national de la VVJ, qui regrette cependant que les autorités réagissent encore parfois de manière tendue et ferme.

Les médias disposent avec la loi sur la publicité de l'administration d'un instrument non négligeable, dont il faudrait rationaliser le plus possible les procédures en vue de les rendre plus fortes, a enfin résumé Pol Deltour.

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