Entreprise condamnée pour discrimination sur base de l’âge

Le tribunal de Gand (Flandre orientale) a condamné Dovy Keukens à une astreinte pour discrimination sur base de l’âge. La candidature d’un homme de 59 ans avait en effet été rejetée par l’entreprise belge de cuisines uniquement à cause de son âge, et il n’avait pas été présenté à une interview d’embauche. D’après le Centre interfédéral pour l’égalité des chances Unia, cette forme de discrimination est une "réalité sous-estimée".
CHASSENET / BSIP

Le Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) avait porté plainte en justice après qu’un homme de 59 ans lui ait signalé qu’il n’avait pas été invité pour un entretien d’embauche par l’entreprise Dovy Keukens. Cette entreprise, qui vend des cuisines, est connue en Flandre pour ses spots télévisés présentés par le fondateur west-flandrien de la société, Donald Muylle.

Comme raison principale pour le refus, l’entreprise citait explicitement son âge dans un courriel. "Disons que vous possédez effectivement le profil idéal, à l’exception de votre âge. Désolé d’être honnête à ce sujet, mais il est sans doute préférable que vous sachiez immédiatement pourquoi vous n’êtes pas invité pour un entretien".

Plusieurs tentatives de médiation d’Unia entre l’homme et Dovy Keukens n’avaient mené à rien. Le fabriquant de cuisines déclare que l’affaire remonte à deux ans d’ici, que le mail avait été envoyé à l’initiative personnelle d’un collaborateur et que pareil incident ne s’est produit qu’une seule fois.

"Ce n’est que par la suite, nous avons appris ce qui s’est passé et nous ne sommes pas d’accord (…). Ce n’est certainement pas la politique de Dovy", précisait Mario Muylle, gérant de l’entreprise. Il souligne que sa société emploie des collaborateurs de tous les âges, et accepte aussi les candidatures de candidats de tous âges et toutes nationalités.

Devant le tribunal gantois, l’entreprise a cependant avancé l'argument que les travailleurs plus âgés ont plus de difficultés à maîtriser certains logiciels. Le tribunal de Gand a balayé cet argument et condamné la société belge à une astreinte de 1.000 euros par nouvelle infraction, à verser des dommages-intérêts à hauteur de 25.000 euros à la victime, à afficher visiblement la condamnation dans ses locaux.

Une discrimination sous-estimée

Unia salue un jugement rendu "dans un dossier symptomatique d'un problème social sérieux et généralement sous-estimé". Patrick Charlier, directeur d'Unia, souligne que "les personnes âgées sont perçues comme moins flexibles, pas à jour avec les nouvelles technologies ou souffrant de problèmes de santé. Ce préjugé a été très justement souligné par le tribunal et constitue aussi un signal à notre société".

Le Centre pour l’égalité des chances a ouvert pas moins de 80 dossiers pour discrimination fondée sur l'âge l'an passé, dont plus de la moitié relevaient du domaine de l'emploi, en particulier pour les personnes de 45-55 ans (29%) et 55-65 ans (20 %).

Un constat d'autant plus préoccupant que le vieillissement de la population est une réalité et que le groupe des plus de 45 ans augmentera de 20% dans les quarante prochaines années en Belgique. "Si cette partie croissante de la population fait face à un risque important de discrimination sur le lieu de travail, alors nous sommes confrontés à un réel problème social", met en garde le directeur d'Unia.

"La productivité et non l’ancienneté comme base salariale"

Le ministre fédéral de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V, photo), suggère de faire dépendre l’évolution salariale de travailleurs de leur productivité et non plus de leur ancienneté. C’est ce qu’il a expliqué ce lundi dans l’émission "Hautekiet" (VRT), en réaction à la condamnation de l’entreprise Dovy Keukens. Si les salaires n’augmentaient plus automatiquement avec l’âge, les entreprises devraient moins hésiter à prendre des travailleurs plus âgés en service.

"On ne peut forcer un entrepreneur à engager quelqu’un", répondait Kris Peeters à une question du journaliste Jan Hautekiet. Mais le fait que les salaires augmentent en Belgique avec l’âge des travailleurs est la pierre d’achoppement, estime le ministre. Selon lui, l’augmentation salariale devrait être liée plutôt à la productivité de chaque travailleur.

"Dans l’accord de gouvernement, il est indiqué que nous allons y travailler. Pendant la législature en cours, nous allons voir comment parvenir progressivement à une autre 'modulation'", précisait Kris Peeters. Il reconnait néanmoins que les discussions à ce sujet avec les syndicats sont très délicates dans le climat social actuel.

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