Des microfissures à Doel longues de 18 cm

Les chiffres communiqués par Electrabel ce mercredi en sous-commission Sécurité nucléaire de la Chambre indiquent que le nombre de microfissures détectées dans les cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 est nettement plus élevé que constaté précédemment (en 2012) et que la longueur de certaines fissures est double par rapport à ce qui avait été dévoilé le week-end dernier par les médias. Les plus longues feraient près de 18 centimètres.

Le nombre de microfissures détectées sur l'acier des cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 est passé respectivement de 8.062 en 2012 à 13.047 en 2014 et de 2.011 à 3.149. La longueur maximale de ces microfissures atteint quant à elle 17,9 centimètres à Doel et 15,4 centimètres à Tihange, a indiqué le fournisseur d’énergie Electrabel ce mercredi en sous-commission sécurité nucléaire de la Chambre. La profondeur des microfissures varie quant à elle de 5 à 150 millimètres.

Depuis que ces anomalies - qualifiées par Electrabel de "défauts dus à l'hydrogène" (DDH) et qui se présentent sous forme de flocons - ont été repérées en 2012, trois séries de tests ont été réalisées. Une quatrième série est encore en cours. L'opérateur électrique communiquera les résultats au début du mois d'avril à l'Agence fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN), qui les analysera avec l'aide d'un panel international d'experts à la fin du mois.

Critères affinés

Si le nombre de microfissures détectées et la taille relevée a augmenté, c'est en raison du changement introduit dans les critères de calcul. Des microfissures plus petites ont été relevées et certaines ont été jointes parce qu'elles étaient très proches.

Ces résultats ne signifient pas que le nombre de défauts aurait augmenté et que ces microfissures seraient donc "évolutives". Au contraire, affirme Wim De Clercq, "Chief nuclear officer" d'Electrabel. "Ce ne sont pas des défauts évolutifs".

Entre 2012 et 2014, ces microfissures n'ont pas évolué et, à croire la littérature scientifique, la catégorie dont ils relèvent (hydrogen flaking) n'est pas évolutive. En d'autres termes, ces défauts seraient les mêmes depuis 40 ans, quand les centrales ont été mises en service.

L'affirmation n'a néanmoins pas convaincu tous les parlementaires. Dans l'opposition, Jean-Marc Nollet (Ecolo) a invoqué un courrier envoyé le 21 décembre 2012 par l'Autorité Française de Sûreté Nucléaire (AFSN) et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) à BelV, filiale de l'AFCN. Le caractère non évolutif des fissures est mis en cause. "Les défauts dus à l'hydrogène, qui sont des fissures devant être considérées de ce fait, en France, comme potentiellement évolutives", dit le courrier.

"Ne pas semer la panique"

De son côté, l'AFCN ne s'est pas encore prononcée, a fait savoir le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, en Commission de l'Intérieur. Les deux centrales ont été arrêtées après la découverte des défauts, puis redémarrées et sont à nouveau à l'arrêt depuis le 26 mars 2014. Tant que l'AFCN n'aura pas donné son feu vert, les deux réacteurs ne redémarreront pas, a assuré le ministre de l’Intérieur (photo), tout en appelant à ne pas semer la panique.

"Je comprends que tout ce qui concerne le nucléaire est sensible, mais nous n'avons aucun intérêt à créer la panique: les deux centrales sont à l'arrêt." Dans un communiqué publié mercredi, l'Agence fédérale de Contrôle Nucléaire s'est montrée très prudente. "Ces nouvelles informations ne permettent aucunement de tirer des conclusions sur l'intégrité structurelle des deux cuves et a fortiori sur l'issue de ce dossier".

Plusieurs parlementaires ont réclamé une transparence accrue dans ce dossier, notamment dans la communication des résultats d'analyse qui se déroule souvent par des fuites dans la presse. "On a l'impression que les informations viennent plus de l'extérieur que de l'intérieur, et ce n'est pas bon", a averti le député Jean-Marc Nollet.

Le redémarrage des réacteurs semble compromis pour certains députés. "J'ai l'intime conviction qu'Electrabel aura beaucoup de difficultés à fournir un rapport de sûreté qui permettra un redémarrage", a estimé Eric Thiébaut (PS).

Après l’été 2015, les réacteurs nucléaires de Doel 1 et 2 seront également examinés, pour voir s’ils présentent éventuellement aussi des microfissures. C’est d’autant plus nécessaire que le gouvernement fédéral souhaite les maintenir en activité 10 ans supplémentaires. Le quatrième réacteur de Doel (en Flandre orientale) sera également testé. Les cuves de ces trois réacteurs proviennent de fabricants différents, ce qui fait dire à Electrabel qu’il y a peu de risques qu’elles présentent le même type de microfissures.

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