Les provinces flamandes perdent une partie de leurs compétences

Dès ce 1er janvier, les cinq provinces flamandes ne pourront plus exercer de compétences liées aux personnes. La culture, le sport, l’aide à la jeunesse, l’égalité des chances et le bien-être seront ainsi dorénavant pris en charge par les administrations locales ou au niveau flamand. Seules les compétences liées au sol resteront encore du ressort des provinces. Mais les citoyens vivant en Flandre percevront-ils quelque chose de cet amincissement des provinces ? La réponse de Filip De Rynck, professeur en Administration publique à l’Université de Gand.

Au début de cette législature, en 2014, le gouvernement flamand décidait de réduire de façon significative le pouvoir des provinces. "C’était le résultat d’un compromis politique à l’époque", explique le professeur Filip De Rynck. "La N-VA voulait en fait supprimer totalement les provinces, alors que le CD&V ne le souhaitait certainement pas. On s’est donc mis d’accord sur un juste milieu et a décidé de retirer aux provinces les compétences liées aux personnes (bien-être, sport, culture et jeunesse)" dès 2018.

Toutes les facettes de la gestion du bien-être, du sport et de la culture seront ainsi repris dès ce lundi 1er janvier par les communes ou - et avant tout - par le gouvernement flamand. Il s’agit par exemple des musées provinciaux, des centres culturels provinciaux ou des domaines provinciaux. "On a négocié pendant des années sur la reprise" de ces lieux et institutions, "et sur la façon dont ils devaient être organisés et financés. La réponse à ces questions est différente selon les services", précise le professeur de Gand.

"Si le citoyen fait usage, par exemple, d’une certaine infrastructure sportive - comme la Maison du sport à Gand -, il pourra remarquer qu’il y a subitement un nouveau gestionnaire, qui organise l’infrastructure différemment et augmente par exemple les prix".

"Les administrations provinciales organisent aussi de nombreux concours de musique pour les fanfares (photo) et les groupes débutants. Ces compétitions différaient beaucoup selon les provinces. Qu’en fera la Flandre ? Dans le domaine de l’aide à la jeunesse, les provinces prenaient certainement aussi des initiatives. La question sera de savoir si le gouvernement flamand les jugera encore toutes dignes d’être maintenues".

"Il y a un risque que le citoyen remarque quelque chose"

Il n’y aura pas de mesures drastiques prises au 1er janvier. Tout ne changera pas de façon radicale. D’autant plus qu’une période de transition de 2 ans a été prévue. "Il reste aussi toute une série de questions qui ne sont pas encore claires pour l’administration flamande. Il faut élaborer de nouveaux décrets, ce qui prend du temps", précise Filip De Rynck.

Il est encore trop tôt pour dire ce qui va changer concrètement en Flandre après le transfert de compétences exercées jusqu’ici par les provinces. "Mais de nombreux milieux sont inquiets. Il n’est pas exclu qu’il y ait des victimes par endroits et que des projets qui avaient prouvé leur valeur ne soient mis en danger. Le risque que le citoyen remarque quelque chose du changement, par endroits, n’est certainement pas exclu".

Une autre approche aurait-elle été possible ?

La réduction des compétences des provinces doit mener à terme à une gestion plus efficace. C’est du moins le but. "Mais cela dépendra vraiment de la manière dont les autorités flamandes traiteront ces compétences. Nous pourrons dire si ce sera mieux et plus efficace quand nous saurons comment le gouvernement flamand va s’y prendre", estime le professeur De Rynck.

Le professeur en Administration publique constate cependant que le compromis politique à propos des provinces n’a pas fait l’objet de beaucoup de raisonnement. "On a pris la hache et immédiatement coupé tout ce qui avait trait à la culture et au bien-être. La question est de savoir s’il n’y aurait pas eu une approche plus intelligente. Mais elle ne convenait pas au compromis politique".

Grande réorganisation du paysage culturel

La perte des compétences provinciales en matière de culture, notamment, entrainera une grande opération de déménagement du personnel, des institutions et des centres. Ce qui engendre de l’inquiétude par endroits.

Un certain nombre d’institutions culturelles deviendront ainsi flamandes. C’est le cas du musée Roger Raveel à Machelen le long de la Lys, du Mu.Zee à Ostende, du musée Permeke à Jabbeke, des Archives d’architecture d’Anvers, du Lijsternest à Ingooigem, du musée Emile Verhaeren à Sint-Amands, de la Maison pour l’art actuel Z33 à Hasselt, ainsi que de la collection Bulskampveld à Beernem.

D’autres institutions et organisations seront dorénavant gérées par la ville où elles se trouvent. Ce sera le cas à Anvers pour le théâtre Arenberg et le théâtre en plein air Rivierenhof, pour le Musée de la mode (photo), le musée de la Photographie et le futur musée du dimant Diva. La ville de Tongres (province du Limbourg) sera dorénavant responsable pour le Musée gallo-romain (photo ci-dessous).

Enfin, certaines institutions resteront sous gestion provinciale, jusqu’à la prochaine législature, comme In de Warande à Turnhout. Son directeur Staf Pelckmans est ravi. Le domaine de Bokrijk à Genk et celui de Dommelhof à Neerpelt resteront sous l’aile de la province du Limbourg, parce qu’il s’agit aussi de destinations touristiques.

Subsides maintenus pendant deux ans

Les subsides structurels des provinces pour les films et les lettres seront dorénavant réglés par le Fonds audiovisuel flamand et le Fonds des Lettres.

D’autres subsides alloués à toutes sortes d’initiatives par les provinces seront payées pendant deux ans encore par la Communauté flamande. Il en coûtera plus de 9,6 millions d’euros à la Flandre.

Par la suite, les organisations devront faire une demande de subsides pour les projets qui dépassent le niveau local. Un nouveau "décret culturel régional" verra le jour à ce sujet en 2020.

De nombreuses petites organisations culturelles locales sont inquiètes à propos de leur avenir. C’est le cas notamment de plus de mille harmonies et fanfares en Flandre, qui comptent 65.000 membres au total. Elles craignent de ne plus recevoir de subsides après 2019.

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