Laurette Onkelinx dit adieu à la politique

La cheffe de file bruxelloise du parti socialiste Laurette Onkelinx a annoncé mercredi son retrait de la vie politique à l'horizon 2019, à l'issue d'une carrière marquée notamment par de 22 ans d'activité ministérielle. Très émue, Mme Onkelinx a surpris tout le monde alors qu'elle avait annoncé qu'elle ferait un choix entre sa fonction de cheffe de groupe à la Chambre et la présidence de la fédération bruxelloise du PS.

Laurette Onkelinx devrait être remplacée à la rentrée parlementaire par un nouveau chef de groupe et assumera jusqu'à la fin de la législature sa fonction de députée. Elle mènera également ses troupes au combat en vue des scrutins de 2018 et 2019, en sa qualité de présidente de la fédération bruxelloise, à la suite de quoi elle cèdera le flambeau.

"Place aux jeunes, à de nouveaux visages, de nouveaux enthousiasmes", a dit Mme Onkelinx assurant le parti qu'elle resterait une militante socialiste invétérée. "Je tourne la page, j'aspire à autre chose, j'ai envie d'autres défis, de connaître d'autres sensations, d'autres utilités", a-t-elle conclu, remerciant ses nombreux collaborateurs pour le travail accompli durant toute sa carrière ainsi que sa famille, la presse, mais aussi ses électeurs. Ce fut "un honneur de les servir", a-t-elle indiqué.

Ce faisant, Laurette Onkelinx met un terme à une carrière politique bien remplie, elle qui fut vice-première ministre dans le gouvernement fédéral et ministre-présidente de la Communauté française.

A la tête de départements aussi variés que l'Enseignement, l'Emploi, la Justice ou la Santé, elle a rappelé avoir servi cinq premiers ministres - Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt, Yves Leterme, Herman Van Rompuy et Elio Di Rupo - sous le règne de trois chefs d'Etat, les rois Baudouin, Albert II et Philippe.

Elle a connu des succès aussi à la tête de la fédération socialiste bruxelloise mais la crise du Samusocial a laissé des traces, emportant le bourgmestre de Bruxelles Yvan Mayeur dont elle était proche.

Ce n'est pourtant pas cet élément-là en particulier qui a emporté sa décision, a-t-elle assuré mercredi, disant s'être soumise à un "examen de conscience" d'une petite année. Citant Joëlle Milquet à propos de la crise politique francophone qui a poussé le PS dans l'opposition en Wallonie, Mme Onkelinx a ajouté que la "démocratie fracassée" avait accéléré sa décision.

Relisant l'auto-biographie de l'écrivaine russe Nina Berberova, Laurette Onkelinx dit agir aujourd'hui par "nécessité".

Elle "tourne la page" alors que le parti socialiste est en pleine refonte idéologique et organisationnelle après avoir subi une série de scandales et alors que les sondages ne sont pas au mieux.

D'aucuns évoquent ces derniers mois la nécessité de poursuivre l'engagement socialiste avec une nouvelle génération à sa tête. Un congrès de rentrée est prévu le 24 septembre.

Un monument de l'histoire poilitique de Belgique

Née à Ougrée le 2 octobre 1958, elle est la fille de Gaston Onkelinx, ancien député et bourgmestre de Seraing.
Licenciée en droit et avocate, Laurette Onkelinx est devenue députée de l'arrondissement de Liège en 1988.

En 1992, elle est nommée ministre de l'Intégration sociale, de la Santé publique et de l'Environnement. Elle a occupé cette fonction jusqu'en 1993, année au cours de laquelle elle a succédé à Bernard Anselme et est devenue ministre-présidente de la Communauté française.

En 1995, elle a rempilé à ce poste mais en héritant en plus de l'Education. Elle est chargée de mettre en place un plan d'économies vu la situation financière à la Communauté.
Celui-ci programme la suppression de plusieurs milliers d'emplois dans l'enseignement, ce qui lui vaudra la grogne des enseignants. Les relations entre PS et PSC au sein de la coalition sont de plus en plus tendues.

Sous sa présidence seront adoptés le décret-missions de l'enseignement et les socles de compétences.

A une époque (déjà) marquée par un clivage entre régionalistes et communautaristes, Laurette Onkelinx s'est affirmée dans la défense de l'existence et de la perennité de la Communauté française. A ce titre, elle s'est opposée aux vélléités de régionalisation de l'enseignement et de l'audiovisuel.

Après les élections du 13 juin 1999, Laurette Onkelinx est revenue au gouvernement fédéral en tant que vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Egalité des chances. Elle est notamment à l'origine du plan "Rosetta" et a favorisé les formules de crédit-temps pour les travailleurs. Deux semaines avant les élections du 18 mai 2003, elle a repris le département des Transports après la démission d'Isabelle Durant (Ecolo).

Elle conserve en 2003 son poste de vice-première ministre mais passe à la Justice, où elle doit faire face à plusieurs difficultés qui l'ont fait vaciller, dont les évasions de Ferhyie Erdal, Kaplan Murat ou les 28 détenus de Termonde, sans compter l'affaire Kimyongur.
Au cours de cette législature, elle a notamment fait aboutir la réforme du divorce, la nouvelle loi sur les armes, après une affaire meurtrière à caractère raciste à Anvers qui aura marqué les esprits, ou la création des tribunaux d'application des peines. Elle a travaillé à des mesures pour améliorer le statut des acteurs de la justice ou pour garantir un meilleur accès du citoyen au monde judiciaire. Le Grand Franchimont et l'informatisation de la justice resteront les chantiers inachevés.tamment mis en oeuvre un plan Cancer et pris une série de mesures permettant d'assurer un financement pérenne de la Sécurité sociale.

Figure emblématique du PS Liégeois, elle quitte pourtant la Cité ardente en septembre 2001 pour s'installer dans la capitale. Candidate à Schaerbeek en 2006 où elle double le score du PS, elle n'arrive toutefois pas à s'imposer au pouvoir à la faveur d'une alliance entre Bernard Clerfayt (FDF) et Isabelle Durant (Ecolo). Aujourd'hui encore, le PS est rélégué dans l'opposition dans la Cité des Anes.

En 1999, et son accession au poste de vice-première ministre, Laurette Onkelinx devient l'incontestable n°2 du PS. Au cours de la crise politique qui a suivi les élections de juin 2010, elle a d'ailleurs représenté les socialistes francophones au cours des négociations de préformation et de formation, dirigées toutes deux par Elio Di Rupo.

De 2008 à 2014, elle détiendra le portefeuille-clé de la Santé et des Affaires sociales dans les gouvernements successifs d'Yves Leterme, Herman Van Rompuy, puis d'Elio Di Rupo. En 2013, elle accède aussi à la présidence de la fédération bruxelloise du PS.
Après les législatives de 2014, les socialistes sont toutefois renvoyés dans l'opposition au fédéral à la faveur d'une majorité unique MR-N-VA-CD&V et Open Vld. Privée de poste ministériel, Laurette Onkelinx devient cheffe de groupe PS à la Chambre où, surtout en début de législature, elle attaquera violemment l'action du gouvernement Michel.

Véritable patronne du PS dans la capitale, Laurette Onkelinx sera logiquement fort secouée par le scandale des rémunérations occultes au sein du Samusocial, dont a bénéficié notamment le bourgmestre de Bruxelles Yvan Mayeur, un de ses proches.

Durant l'été, elle avait annoncé qu'elle choisirait entre ses fonctions de cheffe de groupe à la Chambre et de présidente de la fédération bruxelloise du parti socialiste.

Mercredi matin, à la surprise générale, et visiblement émue, elle a donc annoncé, à bientôt 59 ans, son retrait de la vie politique après le scrutin de 2019.

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