Meryame Kitir très déçue par l’audition du directeur de la Grande Mosquée

L'audition du directeur du Centre Islamique et Culturel de Belgique (CICB), Jamal Saleh Momenah, devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats terroristes du 22 mars s'est déroulée mercredi dans un climat tendu. "Je suis profondément déçue par votre témoignage" a lancé la parlementaire Meryame Kitir (SP.A) à l’adresse du directeur.

La Grande Mosquée du Cinquantenaire est un lieu emblématique de l'islam en Belgique, il est régulièrement pointé du doigt pour son rôle de propagation d'un islam wahabbite, courant ultra-rigoriste dominant en Arabie saoudite, et son financement par le royaume saoudien.

Cette audition était la deuxième du genre, après celle de l'imam adjoint de la mosquée, Galaye N'Diaye. Elle n'a pas donné plus de satisfaction aux commissaires que la précédente, bien au contraire.

Jamal Saleh Momenah a répété que le CICB prêchait un islam modéré, dit "du juste milieu", alors que certaines réponses trouvées sur son site internet laissent à penser le contraire et que des témoins entendus par la commission ont dépeint un autre tableau.

Une note de la Sûreté de l'Etat de 2015 met ainsi en cause la Grande Mosquée dont les prêches et les cours "promeuvent intrinsèquement le rejet de tous ceux qui ne sont pas salafistes et peut donc mener à un degré supérieur de radicalisation, voire à une radicalisation violente" sans établir toutefois de lien direct avec le terrorisme ou des combattants à l'étranger.

Le directeur dit d'ailleurs n'avoir pas connaissance de personnes passées par la Grande Mosquée qui seraient parties en Syrie même si dans certains dossiers judiciaires ce passage apparaît.

Malgré les affirmations de principe, les réponses sont restées vagues, suscitant plusieurs rappels à l'ordre du président Patrick Dewael et l'irritation de plusieurs députés.

"Nous avions déjà fait venir quelqu'un la dernière fois, mais cet imam n’était au courant de rien. Il était frappant de constater que les responsables étaient bien de la Mosquée étaient présents dans la salle mais avaient refusé de comparaître. Cela nourrit la méfiance" a déclaré Patrick Dewael (Open VLD).

"Des attentats ont été commis ici et ailleurs en Europe. Vous savez que l'islam ici est sous pression, vous savez que les musulmans sont sous pression mais vous ne faites aucun effort mais alors vraiment aucun effort pour donner des explications. Je n’ai aucune question à vous poser, car je connais probablement la réponse. Je suis profondément déçue par votre témoignage et celui de votre prédécesseur.", s'est exclamée la députée Meryame Kitir (SP.A).

"Beaucoup de doute entourent la Grande Mosquée, mais son directeur a raté l’occasion d’expliquer que l’islam est une religion de paix" a déclaré mercredi soir la même Meryame Kitir dans l’émission "De Afspraak" sur la chaîne Canvas (VRT). "Il a refusé de donner des éclaircissements et son témoignage était émaillé de contradictions. Avec les autres membres de la Commission nous avons décidé de ne pas laisser ce témoignage lettre morte. Nous allons comparer les documents donnés par le directeur de la Grande Mosquée avec ceux fournis par la Sûreté de l’Etat. Ensuite nous verrons si nous devons aller plus loin".

"Connaissez-vous la Convention européenne des Droits de l'homme ?"

Lors de l’audition du directeur, la N-VA et le MR se sont montrés particulièrement durs. Les nationalistes ont assailli M. Momenah de questions sur la Convention européenne des Droits de l'homme, la sexualité ou les relations entre hommes et femmes.

A la question de savoir si le directeur connaissait la Convention européenne des Droits de l’homme, M. Momenah a déclaré qu’il ne l’avait jamais examinée avec attention mais qu’il allait le faire.

Selon M. Momenah, le Centre islamique a pourtant à cœur de soutenir le rejet de l'extrémisme et du terrorisme, que ce soit dans les prêches du vendredi ou à travers des ateliers ou des conférences.

La nécessité pour les musulmans de respecter la Constitution et les lois des pays où ils se trouvent figure même au cœur de la "nouvelle vision" de la Ligue Islamique Mondiale, bailleuse de fonds du CICB, pour combattre le terrorisme, a-t-il expliqué.

"Depuis toujours, nous exhortons les jeunes, les gens qui viennent dans notre centre le vendredi à respecter la Constitution et les lois".

Le directeur s'est dit prêt à étudier en priorité la possibilité d'une reconnaissance de la Mosquée si tel était le souhait des députés. Il a d'ailleurs sollicité leurs conseils pour améliorer l'image de son institution.

Son plaidoyer n'aura pas convaincu pour autant. Aux yeux du président Patrick Dewael (photo), son attitude s'apparentait même à une gifle à la commission "dans sa quête de vérité".
 

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