CETA : la pression européenne sur la Wallonie augmente

Le ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders (photo avec Federica Mogherini), devait expliquer ce mardi à ses collègues européens les raisons du refus des entités fédérées francophones de Belgique d’autoriser la signature du traité de libre-échange entre l’Union et le Canada. Le ministre-président wallon, Paul Magnette (PS), a reçu un nouveau "texte interprétatif" de la Commission européenne pour lever la méfiance belge francophone. A l'issue du Conseil Commerce à Luxembourg, l'UE a donné à la Belgique jusqu'au Sommet européen de vendredi pour autoriser la signature du CETA.
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"Nous allons continuer à travailler dans les prochaines heures et les prochains jours à une solution", a indiqué mardi matin le ministre Didier Reynders, en estimant que le Conseil européen qui se tient jeudi et vendredi constituerait la dernière chance de trouver une solution.

La Wallonie a confirmé vendredi son opposition au projet de traité commercial entre le Canada et l’Union européenne, appelant à la réouverture des négociations pour y intégrer ses préoccupations. Deux jours après le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les députés wallons avaient approuvé à leur tour une motion demandant à l'exécutif régional de ne pas accorder sa délégation de pouvoirs au gouvernement fédéral pour signer le projet de traité, cible de critiques depuis des mois.

Les ministres européens en charge du commerce devaient théoriquement se retrouver ce mardi à Luxembourg pour signer le traité et donner mandat au président du Conseil européen, Donald Tusk (photo), pour l'approuver au nom des 28 lors du prochain sommet UE-Canada, le 27 octobre.

Didier Reynders n'a toutefois pas été en mesure de donner le feu vert de la Belgique pour la signature du traité, en raison des refus des gouvernements PS-CDH de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Isolement très dangereux ?

Le chef de la diplomatie belge expliquait ce mardi à ses collègues les craintes des entités fédérées belges. "Les délais sont faits pour être dépassés", avait-il relativisé lundi soir. Le vice-Premier ministre estime toutefois que le sommet européen de cette fin de semaine constituera la dernière chance de trouver une solution.

Le ministre-président wallon, Paul Magnette (photo), a indiqué lundi avoir reçu un nouveau document de la Commission européenne. Il réclame le temps nécessaire pour l'examiner et se dit prêt, si ce texte n'est pas satisfaisant, à confirmer le refus wallon.

L'analyse porte sur le contenu du texte et sa valeur juridique. Cette analyse "va prendre du temps", commentait-on au cabinet Magnette, où l'on ajoutait que la réponse wallonne ne pourrait pas intervenir pour ce mardi. Didier Reynders a rappelé que ce n'était pas les parlements des entités fédérées qui étaient compétents pour déléguer le pouvoir de signature au Fédéral, mais bien les exécutifs. Le ministre des Affaires Etrangères s'est pas ailleurs inquiété des conséquences qu'un refus définitif de signer le CETA pourrait avoir pour la Belgique.

Le pays s'exposerait à un "isolement très dangereux" au sein de l'Europe s'il persistait avec ce "refus incompréhensible", juge Didier Reynders. Les relations avec le Canada, mais aussi au sein de l'Etat belge, avec de nouvelles tensions entre communautés et Régions, pourraient aussi être touchées, avertit le ministre libéral francophone. "C'est légitime d'adopter une position, mais il faut aussi en évaluer l'impact", concluait-il.

"La Commission travaille jour et nuit pour trouver une solution et répondre aux préoccupations exprimées par certains pays ou certaines régions. Je ne pense pas que nous pourrons conclure aujourd'hui, nous avons besoin d'un peu de temps", avait pour sa part commenté la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström (photo), à son arrivée à la réunion.

Trois jours de plus pour la Belgique

A l'issue du Conseil Commerce à Luxembourg, la commissaire européenne Cecilia Malmström, a souligné: "Nous allons continuer à travailler jour et nuit afin de pouvoir tenir le sommet avec le Canada la semaine prochaine (le 27 octobre). Nous sommes engagés dans un dialogue constant avec les différentes entités belges pour répondre à leurs préoccupations". "Il doit y avoir un accord vendredi, lors du sommet européen. Nos amis canadiens ont besoin de savoir s'ils doivent réserver leurs billets ou pas", a-t-elle ajouté.

L'Union européenne a donc donné à la Belgique jusqu'au Sommet européen de vendredi pour autoriser la signature de l'accord de livre-échange CETA.

Les délégations bulgare et roumaine, qui conditionnent leur acceptation du traité à une libéralisation des visas pour leurs ressortissants au Canada, ont également maintenu leurs réserves, a expliqué le ministre slovaque de l'Economie, Peter Ziga. Il qui assure actuellement la présidence du Conseil Commerce.

Des académiciens canadiens demandent à la Wallonie de résister

Onze académiciens canadiens, spécialistes des traités de libre-échange, ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils demandent aux autorités wallonnes de résister aux pressions visant à leur faire changer de position sur le traité de libre échange UE-Canada (CETA).

Ces universitaires estiment notamment que "les réformes de l'ISDS (le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États) dans le CETA - invoquées trompeusement par les responsables canadiens pour qualifier le traité de 'progressiste' - sont inadéquates pour répondre aux problèmes majeurs posés", à savoir "l'affaiblissement de la régulation démocratique, le privilège spécial des investisseurs étrangers, les manques d'indépendance judiciaire et d'équité procédurale dans les processus de décision, et le manque de respect pour les institutions et tribunaux nationaux".

Ils ajoutent que la déclaration interprétative conjointe publiée par le Canada et l'UE "ne résout en rien ces problèmes gigantesques".

"D'après ce que nous avons pu lire, vous avez fait preuve d'un grand courage dans votre opposition au CETA et, sachant comment l'ISDS a été imposé aux Canadiens au fil des années, nous tenons à exprimer notre soutien à vos choix démocratiques", concluent les auteurs de la lettre.

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