Paradise Papers : des noms belges révélés

Les noms des sociétés belges Janssen Pharmaceutica et Ageas se retrouvent dans le scandale d’optimalisation fiscale baptisé "Paradise Papers", aux côtés de celui de la multinationale Nike et de son centre de distribution européen en Belgique. C’est ce que révèlent ce mardi les médias Le Soir, De Tijd et Knack, qui ont participé à l’enquête menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Le groupe d’assurance Ageas affirme n’avoir retiré aucun avantage d’une construction juridique au départ de Hong Kong.

L'enquête révèle que le centre de distribution de Nike à Laakdal (Anvers) - pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient - emploie 3.000 personnes en Belgique mais n'y paie presque aucun impôt. Le centre est considéré comme un vulgaire prestataire de services, rémunéré de façon dérisoire par la société néerlandaise NEON, également membre du groupe Nike.

L'an dernier, la base taxable de NEH était d'à peine 9 millions en Belgique, alors que le chiffre d'affaires de NEON dépasse les 7 milliards. Cela est possible grâce à un ruling accordé par la Belgique au groupe américain.

Quant à Janssen Pharmaceutica - la grosse société belge au chiffre d'affaires annuel de près de 6 milliards d'euros -, elle a bénéficié en Belgique d'un taux d'imposition dérisoire de 2,4% sur les bénéfices, grâce à plusieurs régimes de déductions et aux intérêts notionnels. En outre, le groupe Johnson & Johnson, auquel appartient Janssen, détient une série de sociétés enregistrée en Irlande et/ou aux Bermudes.

Enfin, le numéro 1 belge de l'assurance Ageas (AG Insurance) revient à plusieurs reprises dans les Paradises Papers, notamment pour ses activités d'assurance-vie à Hong Kong (vendues en 2016 pour 1,23 milliard d'euros) au travers d'une suite de sociétés offshore.
Ageas détient une filiale aux Pays-Bas, qui détient elle-même une société aux Bermudes.
Cette bermudienne possède une société aux îles Vierges britanniques, qui détient à son tour une seconde société aux Bermudes. Et cette dernière a les clés de la société à Hong Kong.

Lorsqu'Ageas a revendu sa branche hongkongaise, c'est en réalité la première société des Bermudes qui a été mise en vente. Ageas n'a pas dû payer d'impôt sur la plus-value réalisée, en raison d'une filiale néerlandaise dans l'intervalle.

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Ageas : "Pas un euro d’avantage retiré"

Le groupe d'assurances Ageas souligne mardi, dans une réaction au fait qu'il soit mentionné dans le scandale d'optimisation fiscale "Paradise Papers", n'avoir jamais tiré un euro d'avantage de la construction juridique au départ d'une ancienne filiale à Hong Kong. "Nous avons toujours été transparents", souligne un porte-parole. "On parle maintenant de 'fuites' mais toutes les informations au sujet de mandats et de structures de prêt étaient déjà connues depuis longtemps et figuraient dans des documents publics accessibles."

Sur les ondes de la VRT, le CEO du premier groupe d'assurances belge, Bart De Smet (photo), a fait savoir qu'Ageas figure parmi les cinq sociétés payant le plus d'impôts en Belgique. "Nous avons payé l'an passé 49% d'impôts sur notre bénéfice", souligne-t-il, estimant que le fait de payer des impôts fait partie de "la politique et de l'éthique" d'Ageas. "Nous ne faisons pas partie de la catégorie d'entreprises qui ne paient que 0 à 3% d'impôts".

Ageas précise encore avoir réalisé une plus-value de 400 millions d'euros sur la vente de ses activités d'assurances-vie à Hong Kong, et non 1,2 milliard d'euros. Ces activités étant rattachées, via plusieurs autres filiales, à la filiale néerlandaise du groupe belge, aucun impôt n'a dû être payé sur cette plus-value en vertu des règles fiscales néerlandaises. L'assureur "n'a jamais eu l'intention d'éluder les impôts", assure encore le porte-parole. "Il y a quelques années, nous avons démarré un projet visant à passer en revue toutes nos entités dans des paradis fiscaux. Cette révision a été menée à bien l'an dernier avec la vente de notre filiale à Hong Kong à un groupe financier étranger. En ce moment, nous n'avons plus aucune activité dans un paradis fiscal."

"Mettre les entreprises devant leurs responsabilité"

Le fiscaliste Michel Maus (photo) estime qu'il faut rappeler aux entreprises citées dans les Paradise Papers leurs responsabilités. Il pense également que les politiques hésitent à se montrer fermes, de peur de voir ces entreprises quitter le pays. "Il y a pourtant moyen d'agir de façon morale et éthique. En Grande-Bretagne, Apple et Starbucks ont été rappelés à l'ordre au parlement. Et ce n'est pas resté sans résultat. Mais je ne vois pas les choses se passer comme ça en Belgique", explique Maus.

Il est également possible d'agir sur le plan moral, affirme Michel Maus, faisant référence à la Grande-Bretagne où la chaîne Starbucks a été contrainte à payer plus d'impôts après une citation au parlement. Il n'y avait pourtant légalement rien de répréhensible dans les montages fiscaux activés par l'entreprise. Maus est d'avis que ce serait une bonne idée de rappeler aux Belges concernés leurs responsabilités. Sur leurs sites web, ces firmes promettent par ailleurs d'agir de façon socialement responsable.

Reste évidemment à savoir si les entreprises citées ont enfreint la loi en faisant usage de ces chemins de traverse fiscaux dévoilés dans les Paradise Papers. "Lorsqu'il s'agit d'une entreprise existant uniquement sous forme d'une boîte postale, je trouve qu'il y a un problème fiscal et juridique. S'il existe des bureaux et des gens qui y travaillent, cela me semble probablement acceptable", conclut l'expert fiscal.

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